L’addiction aux écrans : mythe ou réalité ?

Angèle Delbecq

  • Ecrans
  • Adolescence
  • Internet
  • Réseaux sociaux
  • Education
  • Elémentaire
  • Collège
  • Lycée
  • Enseignement supérieur

La question de l’addiction aux écrans divise les experts. Ils s’accordent, toutefois, avec plus ou moins de nuance, sur les risques qu’ils représentent. La Commission Écrans, réunie par Emmanuel Macron, a publié le 30 avril dernier, un rapport contenant 29 propositions ambitieuses pour limiter l’usage des écrans par les jeunes. Au programme de ce dossier : un débat et des solutions concrètes pour vous éclairer.

Réalité 

Le collège Saint Louis à Villemomble, en Seine-Saint-Denis, a opté pour une approche préventive il y a huit ans : pas de téléphone connecté pendant toute la scolarité des élèves. À leur entrée en 6ème, ils reçoivent un téléphone à touche, unique appareil auquel ils ont droit au sein de l’établissement.

Le collège est précurseur. La Commission Écrans a proposé une mesure similaire en avril dernier. En effet, elle a détaillé un plan pour une « prise en main progressive » des écrans : elle recommande également que les enfants n’y soient pas exposés avant 6 ans et qu’ils n’aient pas de téléphone avant 11 ans. Mais pour cette Commission, ce sont surtout les réseaux sociaux qui sont porteurs de risques car ils entretiennent des « mécaniques addictogènes », explique Axelle Desaint, l’une de ses membres, et la directrice du pôle éducation au numérique de Tralalere et d’Internet Sans Crainte. C’est pourquoi elle préconise aux parents de n’autoriser à partir de 15 ans que les « réseaux sociaux éthiques », comme Mastodon ou BlueSky, encore peu connus des jeunes.

En revanche, « la notion « d’addiction aux écrans » en tant que telle n’est pas encore reconnue par la science », reconnait le rapport de la Commission Écrans. Le débat est encore entier parmi les experts. Lors d’une soirée organisée en marge de leur « quinzaine du bien-être », le collège Saint Louis a organisé une conférence sur les dangers des écrans pour les parents, avec la pédiatre Sylvie Dieu Osika, fervente détractrice des écrans sous toutes leurs formes.

Sylvie Dieu OsikaPédiatre et membre fondatrice du collectif Surexposition Écrans

« On est devant un produit addictif par nature où tout est fait pour que vous ne lâchiez pas. À partir du moment où vous donnez un smartphone à votre enfant, son temps d’utilisation va augmenter, les algorithmes vont faire en sorte que vous ayez que ce que vous souhaitez avoir. On est dans le même principe que l’alcool, le tabac, la drogue. Vous allez recevoir de la dopamine et des choses heureuses qui vont vous faire plaisir. Vous allez avoir besoin d’en avoir encore plus. C’est ce qui vous fait du bien, c’est ce qui vous permet de vous sentir mieux, en apparence. Et donc on a toujours besoin d’en avoir plus. Ce sont les principes mêmes de l’addiction. Tout produit ayant accès à internet, donné sans contrôle, sans argumentation, sans explication des risques et des avantages, est par nature addictif et c’est fait exprès. L’économie de notre attention est totalement piégée. 

Mythe

Moins alarmiste, le sociologue Jocelyn Lachance et le psychopédagogue Bruno Humbeeck, invités au Congrès national de l’Apel, le 31 mai dernier à Valence, ont, quant à eux, souligné l’importance que peut avoir le numérique dans la socialisation des jeunes, et réfuté le terme « addiction ».

Jocelyn LachanceSocio-anthropologue de l’adolescence, maître de conférences HDR en sociologie à l’Université de Pau, membre de l’Observatoire Jeunes et Société de Québec

« J’évite d’utiliser ce vocabulaire parce qu’il ne correspond pas à la réalité des jeunes que je rencontre. Peut-être qu’il y a des jeunes vraiment addicts, mais moi ce n’est pas ce que je vois. Ce que je vois surtout, ce sont des jeunes qui nous racontent que dans leur pratique numérique il y a du sens, des choses qui se jouent, et des choses qu’on a tous vécues (la sociabilité, l’amour, la sexualité, des questionnements sur la vie…). […] On peut avoir des échanges en ligne qui sont beaucoup plus importants, parce qu’il y a des espaces intermédiaires où l’on peut dire des choses que l’on ne peut pas toujours dire ailleurs. Si [un] jeune [y], trouve quelque chose d’important : de la valorisation de la reconnaissance, qu’il se sent utile, qu’il se sent exister, qu’il a enfin du bien-être dans une vie qui n’est pas toujours facile, peut être que vous ne serez pas [son] premier interlocuteur. […] Parfois, [les parents] part[ent] du principe, plus ou moins explicite, que ce qui se passe dans les espaces numériques ne peut pas avoir de sens. Alors on creuse le fossé des générations avec une pelle mécanique. On n’a rien à perdre à imaginer qu’il y a peut-être du sens derrière le fait de « scroller » […]. C’est une posture. Cela ne veut pas dire aimer ni devenir un spécialiste des réseaux sociaux, mais partir de l’hypothèse du sens. »

Bruno Humbeeck, Docteur en psychopédagogie, chercheur en pédagogie familiale, Université de Mons (Belgique)

« Il n’y a pas de risque d’addiction, [car] on ne peut pas être addict à des expériences multiples. On peut être addict à un produit, mais si vous utilisez les écrans pour jouer à des jeux vidéo, regarder des séries, discuter avec des copains, il n’y a pas d’addiction. Il y a une forte appétence qu’un parent doit contrôler. Il y a un truc tout simple et très concret pour contrôler. Il faut arrêter de couper le temps en deux : le temps libre (le temps familial) et le temps professionnel, c’est-à-dire le temps obligatoire. On a trop vite tendance à considérer que le temps familial est du temps libre. Le temps familial est un temps négocié. […] Il faut permettre à chacun dans la famille d’avoir des moments où il fait ce qu’il veut. Par contre, un écran à table, non. […] On sait beaucoup mieux gérer les écrans quand on coupe le temps de cette manière-là. »

Des solutions

Addiction ou non, la surconsommation d’outils numériques présente des risques pour la santé. D’après le rapport de la Commission, ils peuvent contribuer « aux déficits de sommeil, à la sédentarité et au manque d’activité physique […] ainsi qu’aux problèmes de vue ». À cela s’ajoutent des « facteurs de risques supplémentaires lorsqu’il y a une vulnérabilité préexistante chez un enfant ou un adolescent », qui invite à une vigilance accrue, notamment dans l’accès aux réseaux sociaux.

Axelle Desaint, membre de la Commission Écrans, vous propose des alternatives au numérique, adaptées à chaque tranche d’âge, afin d’appliquer les recommandations de prise en main progressive des écrans.

À lire également

  • Ne laissons pas les écrans nous envahir !

    Voir son enfant ou son ado en permanence plongé dans un jeu vidéo ou sur les réseaux sociaux n’est pas une fatalité. Téléchargez notre...

    • Vie pratique
    • Ecrans
    • Fiche pratique
  • Comment gérer les écrans des enfants

    Garder la bonne distance avec les écrans

    Chronophages, dangereux, générateurs de conflits... Quels risques font vraiment peser les réseaux sociaux, les jeux vidéo ou la...

    • Education
    • Ecrans
    • Numérique
    • Elémentaire
    • Collège
    • Lycée
    • Paroles d’experts
  • Safer Internet Day 2024

    L'Apel partenaire de la 21e édition du Safer Internet Day

    Le Safer Internet Day est la journée mondiale pour un Internet sans crainte, à destination des jeunes, de leurs familles, des professionnels...

    • Numérique
    • Internet
    • Elémentaire
    • Collège
    • Lycée