Élections européennes : quelle Europe pour les jeunes ?
Seuls 34% des jeunes de 18 à 24 ans étaient certains d’aller voter pour les élections européennes, au mois de mai dernier, d’après le dernier sondage Ipsos. En 2019, la mobilisation des jeunes aux urnes a pourtant surpris, alors que les sondages avaient sous-estimé de 10% leur taux de participation. D’autant plus que les jeunes sont considérés comme les « arbitres » des élections par les experts, comme Laurent Lardeux, sociologue de l’Institut National de la Jeunesse et de l'Éducation Populaire (INJEP), car « même si leurs intentions de vote restent proches des catégories d’âge intermédiaires [30-59 ans, NDLR], leur vote peut bousculer les estimations ».
Des enjeux électoraux qui concernent moins les jeunes
En 2019, les marches des jeunes pour le climat et leur participation électorale ont même influencé les résultats en faveur des Verts. Arrivés en 3e position du scrutin, les écologistes ont obtenu 13 sièges au Parlement européen, leur permettant d’aboutir à un ambitieux Pacte Vert. Cette année, les jeunes sont peu descendus dans les rues et la question est restée périphérique dans les débats politiques, malgré les multiples enjeux liés aux questions environnementales (crise des agriculteurs, méga bassines, pesticides…). Cette fois, le contexte international place les enjeux géopolitiques au centre du débat.
De toute façon, la campagne de 2024 est « éloignée des vrais enjeux européens », d’après Laurent Lardeux. « On refait l’élection présidentielle à travers l’élection européenne », tant au niveau des « rivalités partisanes » qui « intéressent très peu les jeunes », que des problématiques nationales, paradoxalement débattues. Jordan Bardella, en tête des sondages, a annoncé qu’il demanderait « la dissolution de l’Assemblée nationale » s’il arrive en tête des élections, dimanche 6 juin. La tête de liste La France Insoumise, Manon Aubry, souhaite, elle, « être en finale face à l'extrême droite. Mon but, c'est de faire tenir une gauche qui tient bon, qui continue de défendre la retraite à 60 ans ».
Le candidat tête de liste du Rassemblement national est également favori auprès des jeunes. Avec 29% des intentions de vote des 18-24 ans, il distance la liste Europe Écologie Les Verts, à 16%. « Les candidats qui ont le plus de succès auprès de la jeunesse sont ceux qui savent utiliser les réseaux sociaux et qui savent aussi se nourrir de la défiance qui existe dans le champ partisan », explique le sociologue.
Un engagement politique européen in situ
Même si les 18-24 ans reste la classe d’âge la plus abstentionniste, « ce n’est pas la plus défiante à l’égard des institutions européennes », nuance Laurent Lardeux. Au contraire, à 6 mois des élections, 82% voyaient les bénéfices de l’appartenance de la France à l’Union européenne*. Ils étaient même les plus convaincus.
Leur identité européenne serait ancrée. « Les anciennes générations étaient plutôt dans une Europe institutionnelle et relativement abstraite, ces nouvelles générations sont plus dans une Europe qui s’exprime par leur mobilité, leur formation étudiante, leurs expériences professionnelles ». Mais pas tous les jeunes. Ceux qui n’ont pas eu la possibilité de recourir à leurs droits européens ou d’accéder au programme Erasmus ont du mal à se projeter.
L’Union européenne reste peu lisible. A l’école, on apprend le fonctionnement des institutions européennes « de façon un peu dépassée », regrette Laurent Lardeux, « à chaque campagne européenne, on se rend compte que quelque chose a été raté sur les rappels de l’utilité de l’Europe dans le quotidien des gens ».
*Eurobaromètre EB 100.1, automne 2023