N°541 Mars -avril 2022
Pourquoi les lycéennes sont minoritaires dans les spécialités scientifiques
Les jeunes filles sont-elles moins scientifiques que leurs pairs du sexe opposé ? Les chiffres officiels du ministère de l’Éducation le confirment. Alors qu’elles représentaient 56 % des élèves de terminale en 2022, derniers chiffres en date, elles étaient en infériorité numérique dans les matières scientifiques : 40,6 % en spécialité mathématiques, 46,9 % en physique-chimie et 13,6 % en sciences de l’ingénieur. « Tout ce qui est plus abstrait et en lien avec la performance convient plus aux garçons » regrette Mélanie Guénais, mathématicienne et coordinatrice du collectif Maths&Sciences qui œuvre à plus de mixité dans le secteur scientifique. "Avant 1925, année d'ouverture du bac aux filles, celles-ci n'avaient pas d'enseignements abstraits ( grec, latin, maths, philo) avec l'idée qu'elles seraient incapables d'abstraction. " La biologie est la seule réserve de jeunes filles en sciences. En 2022, elles représentaient environ 62 % des effectifs dans cette spécialité, en terminale. « La SVT est utile pour aller vers des carrières médicales et paramédicales, mais les filles ont encore des freins pour aller dans des filières de maths pures, qui sont les voies royales pour aller dans des carrières d’ingénieurs », complète Valérie Brusseau, présidente de l’association Elles bougent.
Les jeunes femmes feraient ainsi l’objet de stéréotypes liés à l’éducation qu’elles ont elles-même intériorisés. « Certains profils sont plus orientés vers les matières littéraires ou scientifiques, mais si une petite fille est attirée par les mathématiques, elle n’osera pas nécessairement transformer » cette appétence en compétence. D’après le livre d’analyse sociologique Matheuses (1), 61% des filles de seconde disent ressentir de l’inquiétude en pensant aux mathématiques, contre 40 % des garçons.
Les inégalités confirmées par la réforme
La réforme du baccalauréat en 2019 a rendu les mathématiques facultatives. Elle a ainsi confirmé ces inégalités d’accès aux sciences entre les filles et les garçons. Entre la terminale scientifique d’avant la réforme et la création de la spécialité mathématique en 2020, pour laquelle le nombre d’heures de maths est équivalent (6 heures par semaine), la proportion de filles a baissé de près de 6 points. L’explication est simple, pour Valérie Brusseau, « les mathématiques n’étaient plus obligatoires, alors les filles ne les choisissaient pas naturellement ».
Depuis la rentrée 2023, 1h30 de mathématiques hebdomadaire est à nouveau imposée à tous les élèves de première qui ne choisissent pas la spécialité. Cette mesure est un « cache-misère » pour Mélanie Guénais. « L’ajout d’1h30 de mathématiques ne peut avoir d’impact sur le public scientifique auquel il ne s’adresse pas. En effet, les mathématiques du lycée sont un socle indispensable pour toute poursuite d’études en technologies et en sciences, y compris économiques et sociales », explique son collectif dans une tribune publiée à la rentrée 2023.
En effet, la baisse de formation en mathématiques est d’autant plus frappante lorsqu’elles sont associées à une autre discipline. L’ancien baccalauréat économique et social prévoyait 4 heures de mathématiques dans le tronc commun du programme de terminale et 5h30 en option complémentaire. Elles ne sont pas prévues dans la spécialité SES qui doit alors être doublée avec les mathématiques. Ainsi, « le nombre de filles qui en terminale font 5h30 de maths ou plus associées à un enseignement de SES a ainsi baissé de 71 % depuis la réforme », contre 49 % pour les garçons, montre une autre étude du collectif Maths&Sciences.
Répercussions dans les études supérieures
Les classes préparatoires économiques sont ainsi les plus touchées par la baisse de formation des bachelières en mathématiques. Traditionnellement majoritaire dans cette filière, l’effectif des jeunes femmes a fortement chuté à partir de la rentrée 2020, première année après la mise en place de la réforme du baccalauréat. L’effectif masculin a même dépassé celui des femmes à partir de 2022.
(1) Matheuses, Les filles, avenir des mathématiques de Clémence Perronnet, Claire Marc et Olga Paris-Romaskevich (CNRS Editions), janvier 2024.
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