Discipline, usage du portable, partage des émotions... Les conduites adolescentes interviennent de plus en plus tôt dans la vie des enfants, souvent dès le CM2. Raison de plus pour fixer des règles.

Un rapport à l’autorité qui a évolue

LA CLOCHE A SONNÉ. Louise court avec ses Doc Martens. Elle sort son portable, enfonce ses écouteurs dans ses oreilles : une copine l’attend pour déjeuner. Louise n’a pas 15 ans, elle en a 10. Il n’y a pas si longtemps, ce que l’on appelait la grande enfance, tout particulièrement la tranche 8-12 ans, était considérée comme un âge d’or... Sortis des turbulences de la petite enfance, pas encore entrés dans la période pulsionnelle de l’adolescence, les grands enfants entraient dans ce que les psychologues nomment la période de latence, moment où l’enfant, apaisé, est prêt à s’ouvrir à la culture.

Mais l’époque a changé. Le rajeunissement des conduites adolescentes est aujourd’hui un phénomène bien repéré par les acteurs de l’éducation. « Les attitudes qui apparaissaient en fin de collège surviennent maintenant en fin de primaire, parfois même dès le CE2, affirme le sociologue Michel Fize. Très vite, à partir du CM2, les enfants délaissent le ballon et les jeux pour les discussions “entre jeunes”. » Leur rapport à l’autorité a, de facto, évolué ».

Les freins à l’autorité

Les parents auraient-ils baissé les bras en matière d’autorité ? D’après la pédopsychiatre Nicole Catheline, le numérique a encouragé ce mouvement irréversible. « Les parents sont impressionnés par les prouesses de leurs enfants. Au risque de leur céder symboliquement l’autorité... Mais ça n’est pas parce qu’ils maîtrisent mieux le high-tech qu’ils peuvent se passer des adultes ! » Autre frein à cette autorité, d’après le psychanalyste Olivier Douville : la survalorisation des résultats scolaires : « Pourvu qu’ils rapportent des bonnes notes ! Pour le reste, les parents ont tendance à lâcher du lest ». Dommage...

Plus que jamais, à cet âge où ils grandissent si vite, les enfants réclament un guide. Qui montre la voie et se positionne « un cran au-dessus d’eux, comme un supérieur hiérarchique », rappelle Nicole Catheline. Pour cela, il faut éviter d’entrer dans une relation de séduction avec nos enfants – ce qui est trop souvent le cas. « Les parents abandonnent parfois la partie et refusent de s’opposer à eux, regrette le pédopsychiatre Daniel Marcelli. Résultat ? Ils les encouragent à grandir encore plus vite. Alors qu’ils sont encore en pleine immaturité affective ».

Les limites à fixer

La règle d’or ? Encadrer, limiter, édicter des interdits. Et leur promettre une sanction s’ils transgressent (voir encadré). « Notre règlement intérieur proscrit les portables, signale Agnès Kaelblen. Même si je ne vérifie pas s’ils en ont un dans le fond de leur sac, ce simple interdit limite les dérives ». D’après Nicole Catheline, l’important est de continuer à dialoguer : « Comment exercer l’autorité sur un enfant que l’on voit trop peu ? Le partage des émotions et des expériences est la base. On doit leur expliquer qu’ils sont encore des enfants et que nous, adultes, veillons à leur bien-être. D’où les consignes sur le sommeil, l’alimentation, la sécurité. Et tout va s’articuler autour de ces trois points, qui ne sont pas négociables (voir encadré) ».

Ils transgressent ? Il y a moyen de les faire réfléchir – sans sombrer dans un autoritarisme qui n’est certes plus de mise ! « Dans notre établissement, nous avons mis en place une “fiche de réflexion” à l’usage des enfants qui enfreignent les règles, explique Agnès Kaelblen. Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui t’a poussé à agir ainsi ? Qu’as-tu ressenti ? Qu’aurais-tu dû faire ? Que peux-tu faire pour réparer cela ? C’est une façon d’opérer une relecture sur un événement, afin de l’analyser et, surtout, de ne pas recommencer ». Pourquoi ne pas agir de même à la maison ?
« Même si les enfants, aujourd’hui, ont du mal à supporter les marques d’une autorité “verticale” et hiérarchique, c’est aux adultes de leur faire comprendre qu’ils continuent à les protéger, conclut Nicole Catheline. Et que, même s’ils se montrent complices, ce sont eux qui ont, in fine, le dernier mot ».

La juste sanction 

1 - On prévient en amont

On peut leur dire, tout simplement : « Si tu ne suis pas ma consigne, je considérerai que tu es encore petit, que je ne peux pas te faire confiance sur ce point-là, et j’agirai en conséquence ».

2 - On ne précise pas la nature de la sanction

D’une part, notre autorité de parent s’en trouve renforcée. D’autre part, si l’on entre dans les détails, l’enfant est tenté d’évaluer le rapport bénéfice/risque de sa transgression. La phrase-clé ? « Je verrai en temps et en heure ». Une chose est sûre : la sanction doit être proportionnelle à la transgression. Et articulée sur deux points : lui permettre de réfléchir à son acte et l’engager à le réparer concrètement.

3 - On proscrit :

  • Les sanctions injustes et arbitraires.
  • La privation d’argent de poche (s’il est attribué régulièrement).
  • La confiscation totale de leur téléphone portable et ordinateur. « Trop angoissant pour eux, précise la pédopsychiatre Nicole Catheline. Mieux vaut raccourcir le temps de consultation s’ils en ont abusé. ».

Ce qui est non négociable

Le sommeil

On lui demande de laisser son portable et son ordinateur à l’extérieur de la chambre.

L’alimentation

On s’en tient aux trois repas par jour (+ collation). On dîne en famille (c’est aussi l’occasion d’exercer son rôle de parent) et non pas devant un écran.

L’heure de retour

Il doit s’y tenir. Il doit vous demander l’autorisation d’aller chez un copain. Mais pas vous mettre devant le fait établi.

Le temps familial

Même s’ils râlent, ils sont tenus d’assister aux mariages, aux baptêmes, et de passer leurs vacances en famille. Souvent, c’est l’occasion rêvée pour les emmener au musée, au spectacle...

Internet

On limite le temps d’écran, on leur demande de jeter un coup d’œil sur leurs comptes et leur historique une à deux fois par mois.

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