Deux enfants bavardent dans une structure collective de jeux
L’acquisition du langage permet la communication | © Pierre-Emmanuel Rastoin

Les enfants développent le langage dès leur naissance, même quand ils ne parlent pas. Mais entre 3 et 5 ans, les enfants semblent dotés d’une capacité d’apprentissage inouïe. L’acquisition des premières bases pour que le langage oral et écrit soit bien installé doit être accompagné aussi bien à l’école qu’à la maison. Plus on interagit avec les enfants, plus leur lexique sera riche. Sans oublier de leur laisser du temps pour s’exprimer ! Trois orthophonistes, Caroline Bouilhol, Estelle Duchaussoy, et Marion Ribeyre, nous donnent leurs conseils.

Combien un enfant entre 3 et 5 ans peut-il apprendre de mots, combien doit-il en connaître ?

L’enfant développe le langage dès la naissance. Même quand il ne parle pas, il apprend des mots nouveaux qui lui permettent de comprendre petit à petit le discours de la personne qui prend soin de lui, jusqu’à ce qu’il parvienne à commencer à produire des mots autour de 10-12 mois. Le langage se développe ensuite selon le même modèle : d’abord la compréhension de mots nouveaux, puis leur production. Autour de 18 -24 mois, on parle d’explosion lexicale. L’enfant peut produire de plus en plus de mots de façon exponentielle, en commençant vers 2 ans à les combiner entre eux pour former des débuts de phrase. Ensuite, le reste de l’acquisition provient du milieu familial et scolaire. La stimulation éducative autour du langage (conversations, lecture en famille, etc.) joue un rôle important dans l’acquisition de nouveaux mots qui peuvent donc grandement varier d’un milieu à un autre. Ce qu’il faut retenir, c’est que plus on converse, joue avec son enfant et plus on lui lit des histoires, plus son lexique sera riche. Selon différentes sources académiques, le nombre de mots connus passe d’une production d’environ 200 mots à 2 ans, à un vocabulaire de plus de 2000 mots en moyenne à 6 ans.


Comment aider son enfant à enrichir son vocabulaire ?

Dans le but d’enrichir le vocabulaire et la syntaxe de leur enfant, nous incitons les parents à privilégier les interactions sociales (jeux de société, lecture d’histoires, exploration du monde qui nous entoure...). Le plaisir partagé et la dimension affective placés derrière de tels échanges seront la base de l’élaboration d’un langage construit et solide.

L’enfant comprend, assimile, pour pouvoir ensuite utiliser le vocabulaire ou les constructions de phrases qu’il a entendues. Donc, le bain de langage quotidien, l’échange avec des pairs ou d’autres interlocuteurs sont autant de sources d’intégration d’un lexique riche, nouveau et fonctionnel.

Il est enfin important de rappeler qu’il faut laisser à l’enfant du temps pour s’exprimer. Pour gagner en temps et en efficacité, les parents peuvent être tentés d’automatiser et ritualiser certaines activités de la journée et perdre ainsi une occasion de communiquer. Par exemple, servir tous les matins au petit-déjeuner la même chose à son enfant, sans prendre le temps de lui demander ce qu'il veut, mais surtout de le laisser répondre, exprimer ses souhaits, désirs, etc.

Faut-il que je corrige mon enfant quand il n’emploie pas le bon mot ?

> La réponse de Marie-Noëlle Clément, psychiatre
« Si un enfant communique sur des sujets importants avec une implication émotionnelle, il faut se garder de le corriger sur le plan syntaxique ou du vocabulaire, car on risque de lui couper l’envie d’exprimer ses émotions sur un sujet qui lui tient à cœur. Ainsi, lorsque l’on échange avec un enfant sur un sujet important lié à son histoire personnelle ou familiale, on doit avant tout être attentif à accueillir ses ressentis, à le rassurer, à l’aider éventuellement à aller plus loin dans le travail qu’il fait de préciser ses représentations : “Est-ce que tu veux dire que... ? Est-ce que tu penses plutôt ceci ou plutôt cela ? Qu’est-ce que ça te fait de voir ceci ou de constater cela ?”

En revanche, dans la communication quotidienne, celle qui vise à échanger des banalités sur le temps qu’il fait, à organiser le fonctionnement quotidien, à formuler des demandes fonctionnelles, là, on peut effectivement reprendre l’enfant lorsqu’il n’emploie pas la formule juste ou la construction syntaxique adéquate.

S’il a un défaut de prononciation, que faire ?

Dans le but de ne pas véhiculer de règle trop figée, car chaque trouble peut cacher une véritable pathologie, nous invitons les parents à consulter le pédiatre ou médecin traitant qui suit l’enfant afin qu’il juge de la nécessité ou non, d’un bilan médical ou paramédical. S’il estime qu’il s’agit d’un défaut de prononciation qui place l’enfant dans un vrai décalage par rapport à ce qui est attendu pour son âge, il vous orientera en premier lieu chez l’ORL, pour s’assurer qu’aucun trouble perceptif n’est à l’origine de la mauvaise production. Ensuite, un bilan orthophonique pourra être proposé, afin d’aider l’enfant à trouver et automatiser les bonnes postures articulatoires.

Dans tous les cas, le médecin traitant ou le pédiatre est la personne qui centralisera les informations et saura vous orienter vers le bon professionnel au moment opportun. Il reste votre interlocuteur privilégié concernant l’évolution de l’enfant.

L’entrée en maternelle est la période de socialisation. que se joue-t-il autour du langage de la maison et celui de l’école ?

Le langage de la maison et le langage de l’école diffèrent en raison de leur contexte d’utilisation. Le langage familial est un langage investi par les mots du quotidien (règles de vie, lexique propre au contexte de chaque famille, etc.). Celui de l’école est lié au milieu de vie de la classe, au langage scolaire (consignes, etc.). L’école joue un rôle important pour élargir la base lexicale apprise à la maison. Les deux milieux se complètent et permettent aux enfants d’avoir une meilleure maîtrise de la langue. De ce fait, parce que tous les milieux familiaux ne sont pas stimulants de façon égale, l’école joue aussi un rôle important pour égaliser les connaissances.

Éducation France

Comment un enfant apprend-il à parler ? Comment l’aider dans cet apprentissage ? La neuropédiatre, directrice de recherche au CNRS, Ghislaine Dehaene Lambertz éclaire les mécanismes de cet apprentissage.

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