Mauvais résultats en maths pour les élèves français : ce qu’en pensent deux expertes

La nation de la médaille Fields est avant dernière du peloton aux résultats de l’évaluation internationale Timss en mathématiques et en sciences. L’écart moyen de 40 points en mathématiques par rapport à la moyenne de l’Union européenne et des pays de l’OCDE est « stable » par rapport à la dernière étude de 2019, a indiqué le ministère de l’Éducation nationale. Il note cependant que les écarts entre les filles et les garçons se sont accentués et réaffirme son « intention d’élever le niveau de tous les élèves ».

Prendre en compte les biais 

« Attention à ce que montrent les tests », prévient Mélanie Guénais, vice-présidente de la société de mathématiques de France. Le résultat des élèves français serait en partie biaisé par le format de l’évaluation « en faveur des pays anglosaxons, plus habitués aux QCM ». Le ministère de l’Éducation nationale envisage justement d’« entraîner régulièrement les élèves à de tels tests afin d’en faire de véritables routines intégrées aux apprentissages ». 

Autre objectif : réduire l’écart de résultats entre les filles et les garçons. En CM1, les garçons ont obtenu en moyenne 23 points de plus que les filles et 11 points en 4e bien qu’elles aient de meilleurs résultats au baccalauréat dans les doublettes scientifiques. Le ministère de l’Éducation nationale explique cette différence par « un manque de confiance des filles en elles et un état de stress lorsqu’il s’agit de répondre sur un temps très court », que l’entrainement régulier aux QCM pourrait pallier.

« Une approche intéressante », selon Mélanie Guénais, qui alerte néanmoins sur le risque d’associer mathématiques et compétition : « les maths sont extrêmement pénalisés par cette association systématique, ça les montre sous un jour extrêmement sélectif et ça crée des blocages » que les filles subissent davantage, et qui ne sont en rien « une vérité biologique », ajoute Edwige Godlewski, ancienne présidente de la Commission française pour l’enseignement des mathématiques.

Accumuler les réformes pénalise les élèves 

L’organisation du système éducatif, lui-même, est le point d’achoppement le plus important pour expliquer ces résultats, selon les expertes. Depuis 2018, les réformes de l’enseignement des mathématiques se sont succédé. « C’est inefficace si on ne met pas en place un socle avec l’assentiment de la communauté éducative », dans l’esprit de la réforme de 2015 qui n’a pas eu le temps de s’implanter, regrette Edwige Godlewski. 

La priorité est, selon elle, « d’encourager les enseignants à s’approprier les sujets des réformes », ce qui n’est pas prévu par la nouvelle réforme d’enseignement des mathématiques qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine. Pourtant, « la majorité des professeurs des écoles ne sont pas formés en sciences », alerte Edwige Godlewski : leur formation universitaire n’est pas pluridisciplinaire et peut mettre les maths de côté. D’autant plus les futurs étudiants peuvent choisir de ne faire qu’1h30 de mathématiques par semaine en tronc commun au lycée. Dans une tribune de 2023, le collectif Maths&sciences, présidé par Mélanie Guénais, qualifie alors cette réforme d’« impasse dont les conséquences sont durables et dramatiques » pour les futures générations de professeurs des écoles et d’élèves.