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Mise en place du programme EVARS : révolution ou évolution ?

Angèle Delbecq

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Le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité (EVARS), entrera en vigueur à la rentrée 2025. Un programme, de trois séquences annuelles, qui ne bouleversera pas les pratiques de l’Enseignement catholique, qui est déjà engagé dans cette dynamique d’épanouissement personnel.

« Les thématiques du programme EVARS sont celles que nous portons aussi : la relation à soi, aux autres, être acteur dans le monde ». Théo Leuillier, chargé de mission du Secrétariat général de l’Enseignement catholique (Sgec), coordonne un réseau d’environ 90 référents à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (EARS) sur tout le territoire, dont certains proposent déjà des initiatives ambitieuses. 

L’EVARS se pratique déjà dans l’enseignement catholique 

Depuis 10 ans, dans le Morbihan, le forum « S’Team » fait de la prévention santé auprès des élèves de 6e tout en cherchant à développer leurs compétences psychosociales. « L’idée était de leur apprendre à prendre soin d’eux, des autres et du monde, puis on s’est rendu compte que c’était de l’EARS ! », se souvient Astrid Robinet, référente de la direction diocésaine du département. Son groupe de travail a ensuite décliné des séquences adaptées à l’âge des élèves : la connaissance du corps pour introduire la notion d’intimité et la prévention des abus en maternelle, la puberté en CP et en élémentaire, la reproduction ou la prévention aux réseaux sociaux et à la pornographie en CM1-CM2, et des groupes de parole sans tabou au collège… « Notre leitmotive, ce sont les « 4 C » : conscience, cœur, cerveau et corps. Tout entre en relation. On fait grandir l’élève dans son intégralité », conclut Astrid Robinet. 

L’EARS est « la porte d’entrée pour arriver à un établissement bientraitant », ajoute Julia Chevallot, la référente du diocèse de Meurthe et Moselle et de Meuse. Les élèves de maternelle et de primaire de ce diocèse ont presque tous été sensibilisés à l’EARS en deux ans. Et pour la suite, elle est optimiste : « il y a encore du travail dans le second degré mais il y a une forte demande ». Avec son groupe de travail de 14 personnes composé d’enseignants, de chefs d’établissement, de responsables de vie scolaires et de parents d’élèves, dont Jennifer Mulette, présidente de l’Apel académique de Nancy-Metz, ils forment à leur tour des intervenants à l’échelle des établissements. Une façon de généraliser plus simplement le programme et de travailler sur des projets innovants, comme l’élaboration de « mallettes de secours » avec des outils pédagogiques adaptés à tous les cycles pour « répondre aux urgences liées à des questions d’EARS. »

L’enjeu clé : la formation des enseignants

Ce programme ne surprend donc pas les référents EARS de l’Enseignement catholique. Et même, « il ne fait que confirmer que ce que l’on fait correspond aux besoins des élèves. C’est un appui en plus dans sa mise en œuvre », s’amuse Julia Chevallot. Les plus inquiets sont les intervenants extérieurs. Si le texte officiel autorise le recours à des partenaires extérieurs « dont les compétences sont reconnues et agréées aux niveaux national ou académique », Séverine Arnould, sexologue et infirmière, s’inquiète de la poursuite de ses interventions auprès des élèves de maternelle. « Je pense qu’il y aura très peu de financement pour faire venir des gens de l’extérieur, comme nous. »

L’Éducation nationale n’a pas encore détaillé le budget alloué au programme EVARS, dont la principale zone grise est le financement de la formation des enseignants, la clé pour assurer sa mise en œuvre à la rentrée prochaine. Brigitte Roudière, référente dans la Drôme, alerte sur l’urgence de cette ambitieuse généralisation de l’EVARS : « Nous allons vers une telle demande que nous risquons de ne pas accorder suffisamment d’importance à la formation ». En septembre, le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) recommandait un plan national de formation pris en charge par l’État et régulièrement actualisé, rappelant que « L’EVARS ne s’improvise pas ». L’Apel demande au ministère des moyens spécifiques supplémentaires.

Brigitte Roudière intervient dans les établissements de l’Enseignement catholique depuis plus de trente ans. Elle connaît donc l’importance de la posture que doivent avoir les intervenants EARS : « Il faut être 100% apaisé pour être à l’écoute des jeunes mais aussi connaître le cadre, la sociologie comprendre les enjeux relationnels et familiaux, et la psychologie pour gérer les émotions… ».

La spécificité de l’enseignement catholique

Malgré des dispositifs d’EARS innovants dans certaines académies, la couverture du programme restait inégale dans l’Enseignement privé comme public. « Les établissements qui passaient au travers ne pourront plus le faire. C’est pourquoi il est important que nous les accompagnions », a souligné Nathalie Tretiakow, adjointe du Secrétaire général de l’Enseignement catholique. Elle s’engage à « mettre en place une formation et des ressources pour notre réseau » pour la rentrée 2025.

Cette base commune homogénéisera le réseau pour respecter le cadre fixé par la loi, tout en veillant au respect de la liberté pédagogique des territoires et des établissements de l’Enseignement catholique. « Chaque réalité de terrain étant très différente, cette norme s’adapte », explique Théo Leuillier. Justement, le texte officiel précise que « l’organisation de temps ou de séances (contenus, créneaux mobilisés, articulations interdisciplinaires, intervenants, etc.) sont préparées par les personnels responsables des séances spécifiques ». Pour Natalie Tretiakow, c’est aussi « une belle occasion d’en faire un sujet collectif ».

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