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Un plan pour éviter un nouveau « Bétharram »

Angèle DELBECQ

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Le ministère de l’Éducation nationale a présenté, ce lundi 17 mars, son plan « brisons le silence, agissons ensemble », pour lutter contre les faits de violence, d’agressions sexuelles et de viol dans les établissements scolaires. L’Enseignement catholique et l’Apel réagissent à ces annonces.

60 inspecteurs supplémentaires seront recrutés sur deux ans pour veiller « au climat scolaire et à l’absence de maltraitance des élèves », a indiqué le ministère de l’Éducation nationale dans un communiqué, lundi 17 mars. La ministre Elisabeth Borne souhaite maintenir l’objectif fixé par sa prédécesseuse, Nicole Belloubet, qui avait mis l’accent sur le contrôle financier des établissements privés sous contrat : 40% de ces établissements seront inspectés d’ici 2027. La moitié des contrôles se passera sur place « contre le quart jusqu’à présent ». Ces inspecteurs seront « entièrement affectés aux […] établissements privés sous contrat », prévient le ministère. 

En effet, l’annonce du plan « brisons le silence, agissons ensemble », intervient après la révélation de faits de violences physiques, d’agressions sexuelles et de viols, commis au sein de l’Établissement catholique Notre-Dame de Bétharram entre les années 1950 et 2004. 150 plaintes ont été déposées par d’anciens élèves depuis plus d’un an. Le dernier contrôle de l’établissement date de 1996, après la plainte d’un père d’élève pour des violences physiques envers son fils. L’enquête avait conclu que « cet événement » était un « concours malheureux de circonstances » et que « Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés »  

C’est pourquoi le Secrétaire général de l’Enseignement catholique, Philippe Delorme, s’interroge sur l’efficacité des contrôles « pour révéler ce type de faits graves » tout en insistant sur sa volonté de coopérer : « ces contrôles vont montrer qui nous sommes, que l’on fonctionne bien, et que les familles ont raison de nous faire confiance ». La présidente de l’Apel nationale, Hélène Laubignat, revendique justement « plus de transparence et une tolérance zéro ».  

Pour rappel, les contrôles sont prévus dans le cadre de la loi Debré de 1959, qui pose le cadre de l’association des établissements privés « sous contrat » avec l’État.  

Libérer la parole  

Un prochain décret rendra obligatoire l’utilisation de « Faits établissements », une application encadrée par l’État, dont l’Enseignement catholique ne s’était pas saisi – ce sont les chefs d’établissements qui signalaient directement les faits auprès des recteurs et directeurs académiques. « Faits établissements » permet de déclarer une liste de faits possibles (violences verbales, physiques, atteintes à la personne ou aux biens…) et de les classer en fonction de leur gravité pour les remonter aux institutions concernées. « Je ne suis pas certain qu’elle soit très efficace, je pense que c’est, aujourd’hui,plutôt un outil statistique », regrette Philippe Delorme qui souhaite une amélioration de l’application. La présidente de l’Apel nationale encourage l’initiative de « mutualiser les forces que l’on a », entre public et privé sous contrat. 

Nouveauté, le ministère souhaite tester l’efficacité d’un questionnaire anonyme à faire remplir en ligne chaque trimestre par les élèves en internat, public ou privé sous contrat, mais aussi après chaque voyage scolaire avec nuitée. « Les enfants vont-ils réussir à s’exprimer par écrit ? Ne serait-il pas plus facile pour eux de répondre progressivement à des questions lors d’un échange oral, comme un fil que l’on tire ? », s’interroge Hélène Laubignat. Pour Philippe Delorme, cette question des lieux et moments à risque sera aussi « une piste d’amélioration du 3PF, [le Programme de protection des publics fragiles de l’Enseignement catholique, NDLR] ».  

LE 3PF a été lancé en 2018 et pourrait être réformé. « Nous devons veiller à ce que ce programme soit bien appliqué et il faudra peut-être renforcer la formation. », déclare Philippe Delorme. Les équipes éducatives sont formées par des référents 3PF de chaque diocèse. C’est également l’avis de Vincent Destais, directeur diocésain des Pyrénées-Atlantiques, duquel dépend l’établissement en cause : « il faut continuer à encourager les établissements à s’appuyer sur le 3PF, comme une nécessité, la mise en œuvre du plan Boussole doit être systématique ». À l’Apel, un webinaire qui vulgarise le 3PF a été proposé aux présidents départementaux et académiques. La ligne d’écoute anonyme Apel Info Parents est également accessible 24h/24, et redirige vers des professionnels. Depuis 2021, l’Enseignement catholique s’est doté de cellules d’écoute dans chaque diocèse, après la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.  

Réparer les victimes 

La Congrégation des Pères de Bétharram, qui a longtemps dirigé l’établissement, a reconnu sa « responsabilité » dans un communiqué et a annoncé le lancement d’un « fonds de réparation » pour les victimes de violences sexuelles, et vouloir aider celles qui souhaitent constituer une plainte. Selon le Directeur diocésain des Pyrénées-Atlantiques, « les blessures sont à vie », alors « si les faits sont prescrits pour la justice, ils ne le sont pas pour nous ».  

Les Pères de Bétharram ont également lancé une enquête indépendante afin « d’établir la vérité concernant les violences et leurs causes […] ainsi que des mesures de réorganisation administrative et pédagogique de l’établissement ». La Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la prévention des violences dans les établissements scolaires a, elle, débuté hier. Les co-rapporteurs, Paul Vannier (LFI) et Violette Spillebout (Renaissance) étaient à Bétharram, lundi 17 mars, pour lancer l’inspection.  

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